ATLAS PART 2 – DE VALLÉE EN VALLÉE

À la sortie de cette piste incroyable entre Merzouga et Zagora, le fait d'être de retour sur la route ne convient pas et nous décidons donc de prendre un raccourci pour rejoindre les contreforts de l’Atlas, au nord de là où nous sommes. 

Un thé et plus si affinités...

Nous voilà donc embarqués une fois de plus de plus sur une piste à peine praticable, taillée à travers un enchaînement de montagnes et de vallées et menant aux nombreux villages berbères qui peuplent le coin. Au détour d’un col, nous apercevons des hommes travaillant à élargir et améliorer l'accès au village niché juste en dessous. Nous les saluons et continuons notre chemin jusqu’au village, où les femmes nous accueillent avec les bracelets, portes clés et autres objets aux couleurs berbères qu’elles fabriquent pour les vendre aux marchés et touristes de passage.

Naïma, une jeune femme d’une rare beauté, nous invite gentiment mais très fermement à boire le thé et nous la suivons donc, amusés par son franc-parler (ou plutôt son franc-agir puisque nous ne comprenons pas la langue berbère) et sa spontanéité. Elle nous mène à travers le village jusqu'à sa maison, où nous devons d’abord l’aider à donner à manger et à boire à ses moutons avant d'être invités à entrer.

Une fois assis sur des coussins autour de la table, nous sommes rejoints par d’autres femmes, soeurs, tantes et cousines qui se mettent instantanément à discuter gaiement en amazigh, très probablement de nous à en juger par les regards amusés qu’elles nous jettent ouvertement. Elles se mettent d’ailleurs à me regarder avec insistance et finissent par m’orner la tête de foulards aux perles multicolores… Ma tête les fait beaucoup rire et elles ordonnent à Toni de faire une photo de moi, en étant très claires sur le fait qu’il doit me prendre moi, pas elles. C’est d’ailleurs la même chose dans tout le Maroc, à part quelques exceptions, les femmes détestent les photos!

Mais leur attention est bientôt détournée de moi, quand elles comprennent que Toni et moi sommes un couple et que Ebrahim… est célibataire!! Dès lors, la conversation se tourne vers lui et Naïma décrète qu’il est à elle, puisqu’elle l’a vu la première. Nous avions déjà entendu dire que parfois les conversations des femmes berbères feraient rougir même le plus libéré des occidentaux, et nous pouvons maintenant en témoigner… Ce n’est pas une légende et je peux vous dire qu’en l’espace de quelques heures, nous avons rougi, et plus d’une fois!! Car elles sont tout aussi explicites avec leurs corps et leurs gestes qu’avec leur langue, que nous n’avons donc pas besoin de parler pour comprendre ce qu’elles rendent très clair. Et ce qui est clair, c’est que Naïma a décidé qu’elle allait épouser Ebrahim…

À la fin, c’est Ebi qui nous supplie de partir tellement il est mal à l’aise… Nous décidons donc de reprendre la route avant que les choses ne dégénèrent pour de bon, Toni et moi morts de rires tandis qu’il nous fusille du regard pour que nous arrêtions nos bêtises. Ça finira par marcher, quelques heures plus tard…

La Vallée des Roses

Après cette aventure nous rejoignons la route principale qui mène à la ville de Kelaat M’gouna, centre économique, commercial et social de la région, et le point de départ (ou d'arrivée selon le sens) de la fameuse Vallée des Roses. Nous sommes à 1500 mètres d’altitude dans les contreforts de l’Atlas, et c’est l’un des rares endroits où les conditions sont idéales pour la culture de la rose de Damas.

Nous entrons donc dans la vallée, cherchant un endroit où passer la nuit… Pas facile dans cet endroit où les cultures sont partout, profitant de la rivière pour prospérer! C’est finalement Ebi qui sauve la soirée en repérant sur la carte satellite de Google Maps (très utile!) une zone qui semble dégagée en bordure de rivière. Nous nous engageons dans le chemin mais la route est tellement étroite que nous pensons l'accès impossible quand une française, installée ici depuis plusieurs années, nous interpelle en nous demandant si nous sommes les clients qu’elle attend visiblement avec impatience. Quand nous lui expliquons que non, mais que nous sommes à la recherche d’un endroit où camper, elle nous confirme que si nous arrivons à passer, il y a effectivement un espace idéal au bord de l’eau.

Le lendemain nous apprenons que bien qu’en retard de deux semaines cette année, la récolte des roses vient de commencer dans toute vallée, et nous nous aventurons à pied de l’autre côté de la rivière pour aller admirer les champs… Mais nous découvrons qu’au lieu de champs intensifs (ils existent bien mais se trouvent plus en aval dans la plaine), ici les rosiers sont plantés de façon traditionnelle autour des cultures vivrières de blé et de luzerne, en haies protectrices, notamment contre les chèvres.

Il faut savoir que comme les populations n’ont pas les moyens d’acheter des produits pour traiter leurs champs, ils utilisent les méthodes ancestrales de rotation et de diversification des cultures. Ainsi, ce sont les différentes espèces qui prennent soin les unes des autres, comme la luzerne dont les racines enrichissent le sol en y fixant l’azote naturellement présent dans l’air… Et cela fonctionne, puisque sur de tous petits espaces ils arrivent à produire du blé, de la luzerne, des figues, des amandes, des olives, des pêches, des pommes, des grenades, des abricots, des noix, des dattes, des petits pois et bien sûr les fameuses roses!

Historiquement utilisée pour ses propriétés médicinales et cosmétiques, la rose constitue aujourd’hui une source de revenu supplémentaire à travers la fabrication et l’exportation d’eau de rose. Dès les premiers rayons du soleil, qui activent la photosynthèse de la fleur et libèrent sa puissante fragrance, les femmes se mettent au travail. Durant quatre heures, elles récolteront les fleurs arrivées à maturité qui seront distillées, ainsi que les boutons prêts à s’ouvrir pour les faire sécher et confectionner des sachets. Elles se rendent ensuite au village, où le mari (ou le frère) prend le relais pour aller faire peser les sacs et récupérer l’argent pour le foyer… Mouais.

Brrrref, nous passons néanmoins un super moment et reprenons notre route après avoir dégusté une délicieuse omelette berbère, dont je vous partagerai bientôt une version personnalisée de la recette, promis!

Sur la piste de l'oued

Nous quittons la vallée des roses et rejoignons à présent les gorges du Dades. Nous nous arrêtons devant une boulangerie et Ebi sort acheter du pain pendant que Toni, par réflexe, jette un oeil à la voiture et aux pneus (oui pour le coup je ne sers pas à grand chose!)… Visiblement une bonne idée, puisqu’il remarque une fuite d’huile venant des freins!!! Sachant que la route ne devient que plus escarpée quelques kilomètres plus loin, nous décidons de faire demi-tour pour trouver un endroit et résoudre le problème. Pendant ce temps-là, Ebi revient, visiblement amusé… Un enfant, qui sortait de la boulangerie quand il est arrivé, a essayé de lui vendre le pain qu’il venait d’acheter pour trois fois le prix!! Non mais tu as raison, il fallait tenter 😉

Une fois installés, nous sortons le hi lift pour la première fois. Pas le choix, il faut démonter la roue pour trouver l’origine de la fuite! Résultat, un boulon dévissé… Pas bien méchant, mais cela nous rappelle qu’il faut tout le temps checker son véhicule, surtout quand on fait de la piste! Le lendemain nous repartons avec des freins qui fonctionnent, un bon point, et empruntons une piste qui relie les gorges du Todra, un peu plus à l’est.

En fait de piste, nous remarquons rapidement que nous roulons dans le lit d’un oued asséché, qui sillonne entre les pitons volcaniques sur une vingtaine de kilomètres… Espérons juste qu’il ne pleuve pas! Mais le trajet vaut vraiment le détour (si vous avez un 4x4 je précise) car les paysages sont splendides, pour changer. Nous nous arrêtons pour déjeuner au pied d’une impressionnante coulée de lave (oui oui vous avez bien lu) et en profitons pour détailler les différentes strates géologiques mises à nu par l’eau au fil du temps. Il se trouve que c’est une activité fascinante, même en y connaissant rien.

Un peu plus loin, nous quittons l’oued pour nous engager sur une piste qui nous mène plus en altitude, jusqu'à arriver sur un plateau dominant une plaine qui s’ouvre à perte de vue devant nous… La route principale je trouve juste en dessous de nous, et il va maintenant falloir se trouver un spot pour la nuit! Pas facile dans cette zone ultra-touristique. Les gorges sont magnifiques mais il n’y a qu’une route et les falaises abruptes empêchent toute fuite! Nous atterrissons donc dans le seul camping où il reste de la place et nous résignons à payer notre nuit…

Le lendemain, Ebrahim (photo-reporter de métier) nous explique qu’il souhaite aller rencontrer des villageois qui se battent depuis des années contre une entreprise qui extrait de l’aluminium et vident leurs puits. Nous savons le sujet sensible dans le pays, et même si la cause est sacrée, se rendre là-bas en tant que touriste français est une mauvaise idée. Nous le laissons donc partir seul, en lui souhaitant bonne chance et en espérant que tout se passe bien pour lui… Quelques jours plus tard, nous le retrouvons à Skoura. Tout s’est très bien passé, même s’il a du marcher dans la montagne pendant plusieurs heures pour pouvoir quitter le village sans se faire arrêter!

Après cette aventure, il nous annonce qu’il est temps pour lui de rentrer. Nous aurons passé un mois intense tous les trois, et ce fut un plaisir de partager tous ces moments avec lui… Nous nous donnons rendez-vous un jour, quelque part, et nous quittons avec émotion, avant de reprendre la route à deux! 

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